© Saab Kockums ABLe sous-marin suédois HMS Uppland après sa refonte récente.Le sous-marin suédois HMS Uppland après sa refonte récente.Les Stealth Bomber de l’armée de l’air et les sous-marins équipés avec des moteurs Stirling disposent des mêmes propriétés, à savoir : ce sont des armes offensives pratiquement indétectables par l’ennemi. La Suède utilise cette technique de propulsion vieille de plus de 200 ans depuis 1989, et le Japon s’en sert depuis 2009.

Ce fut un coup dur pour la marine américaine. Un gros coup dur ! Il y a 15 ans, le tout nouveau porte-avion USS Ronald Reagan, d’une valeur de 6,2 milliards de dollars, fut coulé par de nombreuses torpilles. Toutes lancées par le HMS Gotland, un sous-marin suédois d’à peine 60 mètres de long et de 1 600 tonnes de déplacement. Les spécialistes en détection de sous-marins de l’US Navy étaient consternés, le Pentagone, lui, était bouleversé.

Mais heureusement, tout cela n’était qu’un exercice. Mais quelle manœuvre, une de celles qui mit en évidence à quel point les sous-marins sont dangereux. Surtout lorsqu’ils glissent aussi silencieusement dans l’eau que le HMS Gotland mis en service en 1996, et qu’il est pratiquement impossible de les détecter par sonar.

Découvert en 1816 : le moteur Stirling

Cela est rendu possible par leur technologie de propulsion, à savoir le moteur Stirling, qui, pour son fonctionnement ne dépend pas de l’air extérieur. Breveté par le pasteur et ingénieur écossais Robert Stirling en 1816, le moteur transforme la chaleur en énergie mécanique. Il suffit pour cela d’un cylindre rempli de « gaz de travail », de deux pistons reliés entre eux et d’une source de chaleur extérieure. Cette dernière chauffe le gaz d’un côté du cylindre, pendant que l’autre côté est refroidi – dans un sous-marin avec de l’eau de mer. Le gaz dans le cylindre se dilate du côté de la chambre chaude et se détend à nouveau de l’autre côté du cylindre en se refroidissant. Ce changement rythmique de volume entraîne le mouvement des pistons. Ils font fonctionner un générateur qui alimente la propulsion électrique avec de l’électricité.

Aucun échange de matière ne se produisant dans le moteur Stirling, la friction, le bruit et l’usure sont minimes. Aucune émission n’est par ailleurs générée, hormis celle de la source thermique externe.

Testé en 1988 et en service depuis 1996

Dans les sous-marins de la classe Gotland, il s’agit d’un moteur composé d’une chambre à combustion dans laquelle le diesel est consumé avec de l’oxygène liquide. Les deux carburants peu encombrants sont stockés dans des réservoirs et les émissions de la chambre à combustion sont rejetées dans la mer après avoir été diluées dans de l’eau salée. Les sous-marins ne nécessitant pas d’air atmosphérique, ils peuvent rester des semaines en immersion, silencieux, clandestins et sans la signature thermique et acoustique d’une propulsion nucléaire. Ils sont par ailleurs plus légers, plus maniables et moins chers que les sous-marins nucléaires, et cela également au niveau de leur entretien.

Ces bâtiments et leurs moteurs V4-275R furent construits par Kockums Submarine Systems. Cette entreprise, créée en 1840 comme atelier mécanique, construisit le premier chantier naval en 1870 et développe depuis des décennies tous les sous-marins suédois. En 1987/88, le HMS Näcken est le premier sous-marin au monde à avoir été équipé par Kockums avec deux moteurs diesel Tilsa-Stirling. Pour ce faire, le submersible fut scindé en deux et rallongé de huit mètres. Après des essais réussis avec le HMS Näcken, Kockums obtint la commande pour la construction de trois sous-marins de la classe Gotland. Les HMS Gotland, HMS Uppland et HMS Halland sont en service depuis 1996. En 2018 et en 2019, le HMS Gotland et le HMS Uppland furent divisés en deux, rallongés de deux mètres puis entièrement modernisés. On y intégra un revêtement spécial multicouche « Stealth », qui les rend encore plus difficiles à détecter par les sonars.

Vendue à l’Allemagne, reconquise avec ingéniosité

Après une forte régression des commandes, la société ­Kockums fut reprise en 1999 par la Howaldtswerke-­Deutsche Werft GmbH (HDW) basée à Kiel. L’entreprise fusionna en 2005 avec les chantiers navals ThyssenKrupp-Werften pour devenir ThyssenKrupp Marine Systems AG (TKMS). L’objectif :

le développement de nouveaux sous-marins pour la Suède. En juillet 2014, toutefois, après un litige contractuel opposant le gouvernement suédois et TKMS, les fonctionnaires gouvernementaux accompagnés d’escortes armées saisirent l’ensemble des documents de Kockums. La Suède confia, dans la foulée, la construction de nouveaux sous-marins au groupe d’armement Saab, qui agit ensuite pour le moins habilement. En effet, en l’espace de quelques jours, Saab débaucha près de 200 collaborateurs de haut niveau chez Kockums, avant de racheter l’entreprise entre-temps quasiment dévalorisée. Pour un prix de 34 millions de francs suisses, seulement.

Saab Kockums AB, la nouvelle société ainsi créée, travaille depuis à la construction de deux sous-marins de la future classe Blekinge (type A26). Ces derniers devraient être prêts en 2022 et opérationnels d’ici 2025. Outre les missions de défense et de reconnaissance, ils serviront également les services de renseignement et seront utilisés pour la surveillance électronique. Ils sont équipés en technologies de pointe et de divers systèmes d’armement, tels que les missiles de croisière longue portée, les missiles de cible maritime et les torpilles. Des moteurs Stirling perfectionnés et plus compacts et la technologie secrète GHOST (Genuine Holistic Stealth) les rendent imperceptibles même pour les systèmes sonar les plus évolués. Les tubes lance-torpilles sont également prévus pour débarquer et rembarquer des embarcations et des plongeurs.

© Christy Hagen, US NavyLe sous-marin de la marine japonaise, JS Hakuryu (SS-503), également propulsé par un moteur Stirling, « en visite » à la Joint Base de Pearl Harbor en 2013.Le sous-marin de la marine japonaise, JS Hakuryu (SS-503), également propulsé par un moteur Stirling, « en visite » à la Joint Base de Pearl Harbor en 2013.Les « E-bateaux » japonais de la classe Sōryū

Les seuls, avec les Suédois, à faire confiance aux sous-marins équipés de moteurs Stirling, sont les Japonais. ­Depuis 2009, Mitsubishi Heavy Industries et Kawasaki Shipbuilding Corporation ont construit une douzaine de submersibles de la classe Sōryū (SS-501 à SS-512). Ces derniers ont une longueur de 84 mètres, peuvent accueillir 65 hommes et femmes et sont respectivement dotés de quatre moteurs Stirling V4-275R Kockums, fabriqués sous licence par ­Kawasaki. Alors que les 10 premiers bâtiments étaient encore équipés avec des batteries au plomb, les sous-marins « Ōryū » et « Tōryū », qui furent et seront mis en service en 2020 et 2021, sont propulsés par des batteries lithium-ion. Il est également prévu de les installer dans la classe supérieure Taigei. Le premier modèle de ce type, à savoir le SS-513, fut mis à l’eau en 2020 et sera admis au service actif en mars 2022.

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